Une plume à l'écoute

Une Rose chaque jour, Ep2

Souvent papito s’arrêtait dans son récit, pour me commenter quelques petites anecdotes ou approfondir certains points historiques.

 

         –  Tu sais ma chérie, ton arrière-grand -père était un vrai pionnier.  Il n’a pas craint de s’éloigner de sa famille. Avec la découverte de l’automobile, le caoutchouc devient indispensable pour fabriquer les pneus.  Et donc le Brésil est une destination attrayante pour y faire fortune.

 

Puis sans aucune transition, il reprenait le cours de l’histoire. Ses yeux cessaient de me regarder pour se mettre à fixer un point dans le flou. Il repartait dans ce passé qui le rapprochait tant de ces racines. Donc…

 

 Tous les jours, après le déjeuner quoiqu’il arrive, James sort sur la terrasse de son bureau, pour y boire son café et fumer une cigarette. Pour lui, c’est un moment d’apaisement après le tumulte de la matinée. Il fait lourd, chaud et moite dehors, néanmoins le calme environnant, loin du bruit du centre-ville, lui fait du bien.

 

Un jour, dans cette délicieuse atmosphère, son oreille est attirée par le son d’un instrument qu’il ne reconnait pas. Une musique douce et légère se met alors à flotter. James se laisse emporter loin, très loin. Tout cela le ramène vers sa famille, en Angleterre. Elle lui manque tant ! Plusieurs semaines durant, il va avec impatience, guetter ces moments de bonheur qui vont le transporter ailleurs, le temps de quelques minutes. Cette musique et son interprétation l’émeuvent au plus profond de lui-même, il est sous le charme.

 

– Tu sais ma chérie, nous venons d’une famille de musiciens, tout le monde joue d’un instrument, c’est ancré dans nos gènes. Et toi aussi, je crois que tu as commencé à apprendre… de quoi déjà ? Je ne me souviens plus…

 – Voyons papito, je joue du violon, tu le sais bien… mais continue l’histoire s’il te plait. C’est à partir de maintenant que cela devient intéressant et arrête de parler, raconte, raconte…

  

Un jour, un rendez-vous à l’extérieur du consulat met James en retard. Il doit rentrer au plus vite, sinon il risque de rater son moment de bonheur quotidien. Il se dépêche, peut-être pourra-t-il voler encore quelques notes de musique avant son prochain entretien. Il marche, marche, de plus en plus vite. Toutes les minutes gagnées sont à prendre. 

 

Arrivé presqu’à destination, son oreille est attirée par une musique lointaine. Elle ressemble singulièrement à celle qu’il écoute tous les jours. Les sons sortants, de l’instrument non identifié, sont très précis et de plus en plus proches. La curiosité de James est attisée, il doit impérativement savoir qui joue et d’où vient cette musique, si belle. Il ne peut rentrer au bureau tout de suite. Tant pis, son rendez-vous attendra ! Il essaie de suivre d’où vient le son, il tourne et retourne autour des rues. Tantôt, la musique se rapproche, tantôt elle s’éloigne, impossible de déterminer d’où elle émane. De guerre lasse, James décide de rentrer au consulat. Déçu, penaud, il se remet en marche. Dans ce dédale de rues, qu’il ne connait pas, il se laisse porter, ses pieds avancent pendant que son esprit s’interroge « d’où vient la musique.

 

 Et soudain là, son regard est attiré par une jeune femme sur la terrasse de sa maison. Elle est assise sur un tabouret devant un instrument majestueux. Elle est de profil. Ses longs cheveux noir de jais lui cachent le visage et l’habillent jusqu’à la taille. Le soleil les fait briller, tels mille feux. Le contraste avec sa robe blanche est saisissant. Son dos est droit sans raideur, elle semble enlacer son instrument, telle une maman avec son bébé. Ses doigts dansent, ils effleurent les cordes avec légèreté. C’est une harpe, bien sûr, la tonalité qui en sort est cristalline. James s’arrête devant tant de beauté, tant au niveau esthétique, que du son si clair, si limpide. James est subjugué, émerveillé. Cette jeune femme et son instrument sont tellement lumineux, qu’il en a le souffle coupé. Qui est-elle ? Comment l’approcher et faire sa connaissance ? Ces questions se bousculent dans sa tête sans savoir comment y répondre.

 

James est séduit, frappé par un coup de foudre. Les jours qui suivront seront une véritable torture. Ne sachant comment l’aborder, il ira l’épier.

 

           –  Oh la la papito c’est trop beau, on dirait un film mais tu fais durer l’histoire, c’est quand la rose,

          — Ne sois pas impatiente ma jolie petite fille, la rose arrive bientôt…