Une plume à l'écoute

Une rose chaque jour, ep4

     Son plan en place, chaque jour, James dépose une rose sur la terrasse de sa belle. Décidément trop timide, il se cache pour qu’elle ne le voie pas. Il remarque juste qu’elle prend la fleur avec délicatesse et scrute les alentours pour savoir qui l’a déposée.

    Notre belle musicienne est quant à elle tout aussi désarçonnée. Depuis quinze jours, elle trouve tous les jours une rose posée en évidence sur sa terrasse.

 

   Reina — c’est son prénom — joue de la harpe depuis toujours. La musique la fait vibrer. Un professeur vient lui donner des cours tous les matins. Et ses après-midis, sont consacrés à l’entrainement. Elle aime tant jouer à l’extérieur. L’ambiance y est calme et apaisante, loin du foisonnement de la maison. Elle apprécie particulièrement la musicalité du son qui sort de son instrument, l’écho qui s’en échappe.

 

   Reina est extrêmement douée. Elle n’a que seize ans. La musique c’est sa vie. Ses parents sont issus de l’aristocratie de Manaus. Ses professeurs insistent auprès de ceux-ci pour qu’elle devienne une vraie concertiste.  Ces derniers refusent. Ce n’est pas la place d’une jeune fille de bonne famille ! Faire, de la musique pour le plaisir, pour passer le temps, jouer pour la famille – oui.  Néanmoins, il n’est pas possible d’en faire sa profession. Alors, Reina continue à étudier. La musique la fait vivre. C’est une véritable addiction. Une journée sans musique et elle s’étiole, comme cette rose si elle ne la met pas dans l’eau.

 

   Tous les jours donc, elle a hâte de sortir sur la terrasse de sa chambre pour chercher sa rose. Ne sachant qui est derrière ce présent incongru, elle décide de guetter à son tour et voir qui la dépose. Souvent, elle arrive trop tard, la rose est déjà là. Et un jour, elle l’aperçoit. Elle reste paralysée cachée derrière le rideau. C’est un homme très grand. Sa taille lui a permis d’enjamber la terrasse sans aucun problème. C’est un beau jeune homme, distingué, pourtant elle ne voit pas totalement son visage.

 

Sachant que c’était un endroit crucial de l’histoire, papito, s’arrêtait. Il redescendait alors un peu sur terre, de ce monde si lointain, et tellement proche. J’avais l’impression d’être Reina. Impossible qu’il s’arrête là. Alors j’insistais. Je le suppliais de continuer.

  • C’est trop romantique papito,
  • Oui ma chérie trop romantique, mais je crois que pour ce soir, c’est suffisant.  Il est tant pour une jeune fille comme toi d’aller se coucher, tu ne crois pas? 
  •   Oh non papito, c’est le meilleur moment, je veux connaitre la suite.
  • Mais ma  Véra, tu connais l’histoire par cœur, je continuerai demain.
  •  Allez papito, s’il te plait.

    Certaines fois, j’avais de la chance et papito continuait. C’est vrai que je connaissais l’histoire dans ses moindres détails. Il me l’avait tellement racontée. Pourtant, j’étais toujours emportée. Et puis, à chaque fois, de nouveaux détails apparaissaient.  C’est je crois, ce que j’aimais le plus. Cela la rendait tellement vivante et si attachante. 

   James quant à lui, en est toujours au même point. Il ne sait pas comment aborder la jeune fille et faire sa connaissance. Il remarque qu’elle cherche qui dépose la rose. Mais il n’ose toujours pas se montrer. Ne sachant comment elle s’appelle, il l’a surnommée « Reine ». En effet, il n’est pas rare qu’elle interprète la symphonie n° 85 de Joseph Haydn intitulé « La Reine » en hommage à Marie-Antoinette. Il ne sait pas comment ? Mais bientôt, elle deviendra sa Reine.

 

   Un jour alors qu’il s’en retourne au consulat, il entend une voix se superposer à la musique. Quelqu’un appelle « Reina, Reina ». Il se retourne et voit sa dulcinée, sa promise se lever pour répondre à la voix. Reina, Haydn, sa Reine voilà c’est un signe du ciel !

 

   James ne sait toujours pas comment engager la conversation avec sa belle. Toutefois ce jour-là il se jure qu’elle deviendra sa bien-aimée et qu’il trouvera un moyen pour qu’on puisse la lui présenter.

 

  •   Pourquoi il faut qu’on lui présente Reina puisqu’il sait qui c’est, et que maintenant elle l’a vu ?
  •   Tu te rappelles ce que je t’ai dit tout à l’heure sur l’époque : les jeunes gens de bonne famille doivent être présentés.